Il y a quelques semaines, à l’occasion de mon entretien
professionnel annuel (mais c’est le hasard), ma manageresse me dit qu’il
fallait que je fasse quelques démarches administratives pour bénéficier d’une
indemnité pour le télétravail et de tickets restaurants pour les jours d’absence.
Cela ne prenait que quelques minutes (étalées sur plusieurs semaines car il
faut faire des avenants au contrat de travail) grâce à l’intranet. N’ayant la
vocation de cracher dans la soupe, j’ai cliqué où il fallait.
Il n’empêche que je me demande quel délire collectif a fait
qu’on en arrive là… J’imagine les syndicats à la table des négociations : « hé ho, patron ! On veut bien des avantages induis
par le télétravail mais il nous faut une indemnité en compensation. »
Je veux bien entendre tous les arguments mais cela n’évitera
jamais la folie dans laquelle nous sommes entrés. A la limite, mon patron m’aurait
dit « hé ho, larbin ! On t’autorise à
ne plus venir au bureau que deux jours par semaine mais on te retire 100 euros
par mois », j’aurais signé ! Je sais : mon salaire n’est
pas représentatif de celui de la classe ouvrière mais, tout de même, je trouve
que l’on marche sur la tête ! La négociation du genre : « hé ho, les copains ! On est d’accord pour que vous
ne bossiez plus à la maison mais faites pas chier, vérifiez quand même que
votre installation électrique est aux normes et que vous êtes bien assurés »
aurait été parfaite.
Le télétravail est généralement un atout pour les salariés
mais il est générateur d’inégalités. Forcément : il y a ceux qui peuvent
en faire et pas les autres. Pourquoi renforcer cette inégalité par une indemnité ?
Surtout quand cette indemnité n’est pas directement calculée en fonction des
charges induites… (mon appartement, par exemple, est plein sud : je n’ai
pas besoin de chauffer quand il y a du soleil).
J’aime bien parler d’inégalités, ça fait gauchiste. En plus,
les patrons gagnent du pognon avec le télétravail puisque, à terme, la surface
des bureaux pourra diminuer… Ils peuvent bien raquer. En revanche, je n’aime
pas quand les arguments ne sont pas travaillés. Par exemple, je me moquais,
plus haut, de mon salaire qui n’était pas représentatif mais il faut bien
reconnaître que le télétravail est essentiellement destiné à des cadres en
entreprise avec un salaire relativement copieux ne nécessitant pas des petits
compléments anecdotiques.
Reprenons… Le télétravail a été rendu possible il y a
quelques années avec les progrès technologiques (pour ma part, j’aurais pu « techniquement »
faire plusieurs journées par semaine chez moi, ne serait-ce que grâce aux mails,
mais les problèmes liés à la sécurité informatique n’ont pu être résolus que
progressivement) et il a été popularisée à l’occasion de la crise sanitaire.
Revenons sur les quelques années avant cette dernière. Le
télétravail était demandé par des salariés et une partie du patronat et des
managers mais les « Directions des ressources humaines » et les
organisations syndicales freinaient des quatre fers. On peut comprendre les
premières qui ne savaient pas vers où on allait, si les salariés allaient jouer
le jeu, si on pouvait contrôler leur travail, s’il ne risquait pas d’y avoir
des problèmes psychosociaux… Les syndicats leur emboitaient le pas mais, en
plus perdaient de leur influence. Une partie des responsabilités des « CHSCT »
tombait à l’eau et, surtout, les salariés n’étaient plus maîtrisables par des
discussions de machine à café. Des rapports plus directs, en outre, se
mettaient forcément en place entre eux et le « management » voire la
direction.
Ils ont commencé à mettre dans la balance des arguments
financiers (et je rappelle que je ne suis pas que blogueur ou militant de je ne
sais quoi mais aussi salarié concerné). Par exemple, il fallait que l’entreprise
contribue à l’équipement informatique et aux frais de télécommunication. C’était
grotesque : les équipements étaient mis à disposition par les entreprises,
tout le monde avait déjà un abonnement illimité en téléphonie mobile et, surtout,
à internet, surtout qu’on voyait déjà se développer la fibre, la 5G et les
services de streaming (Netflix et autres).
L’autre argument portait sur le droit à la déconnexion mais
il se pose également hors télétravail et de la même manière : si un cadre
veut appeler un salarié à n’importe quelle heure, il peut le faire, et les
salariés reçoivent leurs mails sur des mobiles (d’ailleurs, à l’époque, on
avait déjà des mobiles professionnels).
Ensuite, avec le covid, le télétravail s’est généralisé
(dans les milieux concernés). Des vrais problèmes sont apparus, plus dus au confinement,
d’ailleurs, comme l’isolement des individus qui, auparavant, n’avaient que le
travail pour avoir des relations sociales.
Cela ne justifie pas les indemnités.
Ces dernières sont venues à la mode après la fin de la crise.
Cela a commencé par « l’ergonomie du poste de travail ». En français :
il fallait que les gens aient des fauteuils aussi confortables à la maison qu’au
travail, réglables dans tous les sens et tout ça. Il s’est dit : « c’est
à l’employer de payer ». Dans la réalité, c’était un peu de la foutaise (j’ai
bien dit « un peu » : certains ont de vrais problèmes physiques).
D’une part, un des intérêts du télétravail est de pouvoir changer de position
(par exemple, il m’arrive de faire des « audios » debout ou de me
mettre dans un des fauteuils du salon quand mon activité ne nécessite pas une
utilisation intensive du clavier. Surtout je suis assis, généralement, sur une
vulgaire chaise de cuisine). D’autre part, ce n’est pas que parce qu’il y a du
télétravail que les braves gens doivent avoir du mobilier confortable. Et je
passe le fait que les gens ne règlent pas leurs fauteuils de compétition pour
sauvegarder leurs ossatures et leurs muscles… mais uniquement pour un confort
apparent.
Mais, ce qui me fait dire que c’est de la foutaise, c’est que
l’on n’en parle plus. Désolé mais les faits sont là. Des cabinets spécialisés
ont bien gagné du pognon, tout comme des marchands de meuble. Tant mieux pour
eux. Il fallait bien des armées de consultants pour démontrer qu'un fauteuil pour jouer au solitaire doit avoir cinq pieds.
D’autres sujets sont venus ensuite sur le tapis, comme les
dépenses d’énergie pour faire fonctionner les équipements informatiques et le
chauffage. Sauf que tout le monde s’en foutait avant la communication grotesque
du gouvernement à l’occasion de la crise actuelle. Qui coupait le chauffage
pendant les périodes d’absence ? Qui se souciait de la consommation d’un
écran ? Le paradoxe est que, pour le télétravail, on utilise des arguments
liés à la nécessité globale de diminuer la consommation cet hiver à cause de la
maintenance des centrales.
Il reste bien sûr à évoquer le cas du coût du repas du midi.
Il ne concerne que ceux « d’entre nous » qui ont une participation
employeur aux repas à la cantine. Une rapide recherche dans google (rapide veut
dire : pas scientifique…) montre que la participation des employeurs tout
comme celle des salariés est de 5 euros par repas. Ne me dites pas que si vous
mangez chez vous, vous n’arrivez pas à ne pas dépasser les 5 euros en moyenne
par repas ! Même moi j’y arrive, sans compter le pinard, mais en prenant
en compte le fait que je bouffe 2 ou 300 grammes de viande par repas (et plus du
filet mignon, de l’entrecôte ou du magret de canard que de la longe de porc, du
paleron ou du blanc de poulet). Je dois avouer que je dépasse avec les plats
préparés et les pâtisseries… (ce n’est pas toujours facile de calculer précisément
mais je peux le faire vu que je fais mes courses en vélo : en hiver, je
limite le nombre de sorties et le poids et le volume par trajet… Ca fait 17
euros par jour mais je ne bois pas que de la Côtes-du-Rhône à 3 euros la bouteille
et cela comprend le non alimentaire et mes extras comme les pâtisseries et les
pizzas et autres plats préparés. Je raconte cela avec précision vu qu’avec le nombre
de repas au resto que je peux faire pendant certaines périodes, je ne suis pas
toujours crédible quand je parle d’économies au quotidien…).
Toujours est-il que je vais avoir le droit à deux repas
subventionnes à la cantine et trois tickets restaurant par semaine et je souhaite
bien du courage au personnel administratif pour gérer toutes les exceptions sans
avoir d’ennuis avec l’URSAFF…). Encore une belle usine à gaz inutile…
Je terminais mon billet d’hier avec le cas du télétravail
pour montrer comment nous en sommes réduits à inventer n’importe quoi dans nos
discussions politiques.
J’ai des avantages liés au télétravail : j’évite
deux heures de transport par jour, j’organise mon temps de travail, je n’ai
plus à prendre de congés pour attendre une livraison et j’en passe. Et nous
voila obligés d’exiger une indemnité en conséquence. On marche sur le crâne…
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