Dans Facebook,
hier, François Ruffin, que j’aime bien, a raconté une « belle histoire »,
tel qu’il sait le faire, comme quand il avait évoqué les femmes de ménages de l’Assemblée
Nationale. Il s’agissait d’une conversation qu’il avait eue avec la pâtissière d’un
supermarché qui bossait six jours sur sept, du mardi au dimanche, se levant à
3h45 et rentrant à 11h. Il ajoute : « Des
salariés m’avaient déjà raconté ça, six jours, dans l’entretien, chez les
auxiliaires de vie, mais je regardais ça comme des anomalies. Je me disais : «
C’est parce qu’elles sont multi-contrats », ou un truc comme ça. »
Le droit du travail prévoit deux jours de repos par semaine et il ajoute que les
contournements ont lieu depuis la loi El Khomri.
Il y a quelques jours, j’avais lu un autre récit dans
Twitter, cette fois. Une personne y parlait d’une autre dont le patron lui
mettait la pression pour le pousser à démissionner. Un lascar s’est alors
époumonné : « il faut appeler un chat un
chat, on appelle ça du harcèlement ».
La gauche radicale fait une double erreur, à peu près
systématiquement. Tout d’abord, elle s’imagine que le droit du travail s’applique
partout de manière presque uniforme alors qu’une grande partie des salariés
travaillent pour des petites entreprises. La fréquentation des bistros devrait
être obligatoire. D’une part, les salariés de ces établissements ont un
lointain rapport avec la loi. D’autre part, on y rencontre des faunes diverses…
Par exemple, la semaine dernière, il était impossible de trouver du gazole en Centre
Bretagne. Une partie des types dont le métier est de conduire un poids lourd,
soit à leur compte, soit pour des petites boites, n’étaient tout simplement pas
payés. C’est immoral mais c’est ainsi. Vous pouvez négocier mais quand un
patron te dit « tu ne peux pas travailler, je
ne te paye pas et tu as de la chance que je ne te licencie pas », tu
as tendance à fermer ta gueule.
François Ruffin parle « d’anomalie » mais il
serait intéressant de voir la proportion de la population concernée. Il y a le
cas des gens qui ont plusieurs employeurs. J’évoquais l’autre jour un copain
qui était musicien pour l’opéra et donnait des cours de musiques à des mômes.
Je ne suis pas persuadé qu’entre les concerts, les répétitions et les leçons,
il puisse bien s’assurer deux jours de repos hebdomadaire.
Dans les bistros, vous voyez des barmans ou serveurs qui travaillent
de midi à, au mieux, vingt-trois heures, cinq jours sur sept. Un jour, il
faudrait calculer combien ça fait d’heures de travail en tout, même en enlevant
une ou deux heures de repos (à prendre forcément sur place à moins d’habiter à
côté).
Quand j’étais consultant, je parcourais la France, partant
de chez moi à 5h30 pour aller à Orly et rentrant à 21h… J’avais évidemment un
salaire qui me permettait de ne pas être trop regardant mais, tout de même, mon
employeur de l’époque était-il franchement préoccupé par les conditions de travail.
Je parle beaucoup de bistros mais c’est le boulot typique où les patrons
peuvent mettre de la pression sur les salariés (les harceler !) afin de
les pousser à la démission. Regardez autour de vous…
La deuxième erreur en découle et est relative à la
communication. A l’occasion des lois travail, sous Hollande, une large partie
de la population ne pouvait pas se sentir concernée par une partie des textes.
La lutte paraissait alors comme une lutte de privilégiés, de gens qui ont un Comité
d’Entreprise important. C’est comme la lutte contre la réforme des retraites.
La plupart de ceux qu’on entend parler ont déjà beaucoup de privilèges dans l’esprit
des autres.
Vous ajoutez cela à d’autres petites erreurs comme celle de
faire parler des lycées qui passent pour ridicule auprès des gens qui en chient
au taf ou de n’avoir que l’âge de la retraite et pas la durée de cotisation… Et
je passe le débat sur la pénibilité. Quel sera le ressenti du serveur qui
officie 11 heures par jour quand le permanent d’un syndicat va lui expliquer
que bosser 7h par jour sur un chantier est plus pénible ?
Je parlais récemment des « bassines ». J’avais
bien une opinion (genre : ça ne doit quand même pas être très bon pour l’environnement)
tout en précisant que je n’y connaissais pas assez pour juger. D’ailleurs, quel
est l’impact des propos des incompétents sur le grand public ? Comme Madame
Rousseau qui parle des entrecôtes au barbecue. La rumeur ajoute une couche.
Hier ou avant-hier, l’information – erronée – sur le fait que le GIEC soutenait
les bassines circulait.
Vous entendez quoi au comptoir, de la part de paysans.
Voila, c’est simple : « mais qu’est-ce
qu’ils nous font chier ces cons ? Ils préfèrent s’attaquer à nous – qui bossons
avec une retraite dérisoire à la clé – plutôt qu’à ceux qui ont des piscines
privées, représentant un volume d’eau largement supérieur ? »
La CGT vient de nommer à sa tête Sophie Binet (c’est un cas,
Binet, comme disait l’autre). C’est surement une femme parfaitement
respectable. D’ailleurs, elle était Conseillère principale d’éducation. Autant
dire qu’elle ne connait sans doute pas le travail dans le secteur privé, qu’elle
ne connait pas le monde ouvrier, qu’elle a été salariée protégée une partie de
sa vie.
Il y a trente ans, le patron de la CGT était très drôle et c’était
un ancien résistant, ancien déporté… et ouvrier métallurgiste. Il avait pris la
suite d’un autre ancien déporté, un cheminot.
Elle n'aura aucune crédibilité pour suivre le moustachu. Mais je vais passer pour machiste.
Youpi ! Faisons un apéro convivial et sauvons les
travailleurs.