04 avril 2023

Gauche : arrêter de jouer et éteindre l'incendie

 


J’avais bien mon idée de billet en tête, ce matin. Il aurait rebondi sur l’élection partielle en Ariège qui a vu un candidat dissident socialiste gagner, au second tour, contre un candidat Nupes, soutenu par le parti socialiste. J’aurais dit quelque chose comme : « on a bien rigolé, hier, à s’envoyer des mots doux dans la gueule : nananère vous êtes de droite, nananère vous ne pouvez pas gagner, mais il faut maintenant tourner la page et travailler ensemble patati patata. »

Je dois évidemment avouer que je ne savais pas par quel bout prendre le sujet. Certains, à gauche, semblent persuadés que l’alliance Nupes est indispensable, d’autres, comme moi, qu’elle est néfaste. J’étais dans une impasse. Il me fallait expliquer aux autres que « je » voulais travailler avec eux car « je » ne pouvais pas avoir une majorité tout seul mais que, pour que je puisse travailler avec eux, il fallait qu’il renonce à leur alliance, la Nupes, autant dire leur fondement.

 


Alors, je me suis remis à circuler dans les réseaux sociaux et suis tombé sur le billet de Denis. Il commence par l’éternelle rengaine : les gens de gauche qui ne pensent pas comme lui sont de droite. Avec des variantes, comme le RN est bien un parti d’extrême droite alors que LFI n’est pas d’extrême gauche, cette dernière étant représentée par le NPA et LO. Donc les LFI est la gauche, bordel, tu comprends pas connard que tout ce qui n’est pas LFI mais moins à gauche est de droite. Ca me fait toujours rigoler, comme si des gens qui se présentaient plus à gauche que le PC avaient pu gagner des élections nationales, en France, dans l’histoire récente.

Il tape évidemment sur Hollande et sa bande et n’oserait pas dire que Mitterrand a réussi à gagner en envoyer chier le PCF… (pour résumer).

 

Et ensuite, on tombe sur cette phrase magique : « Au vu de derniers sondages, si la gauche reste unie dans le format de l’alliance constituée à l’occasion des dernières législatives, en cas de dissolution, c’est Mélenchon qui sera le 1er ministre. » C’est totalement faux. Il suffit de consulter Google pour le vérifier : en cas de dissolution, la physionomie de l’Assemblée ne changera pas notablement. La macronerie perdra quelques sièges mais en gardera près de 100 de plus que la Nupes. Ils auront toujours la majorité.

Denis en vient à taper sur Fabien Roussel. A la limite, il lui fait reprendre à son compte les conneries de Darmanin alors que Roussel tape sur Darmanin. En fait, il faut lire l’interview de Roussel même si je ne suis évidemment pas d’accord avec lui quand il parle de mon camp. En fait, chacun parle pour soi, dans ce bordel, et tape sur les autres. Il va falloir que je lui réponde, aussi.

Il dit « Et je le dis à Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre : notre programme ne saura s’accommoder du capitalisme, il portera avant tout une transformation sociale radicale. » Qu’il nous explique ce que veut dire « ne pas s’accommoder du capitalisme ». M’aidant de Robert (le dictionnaire), je vais lui rappeler que « Régime économique et social dans lequel les capitaux, source de revenu, les moyens de production et d'échange n'appartiennent pas à ceux qui les mettent en œuvre par leur propre travail. »

Qu’il arrive à convaincre les électeurs (je veux dire : une majorité) que les tous moyens de production (y compris les tireuses de bière) doivent être rendus collectifs ou appartenir aux usagers ! Un peu de sérieux, que diable ! Ou alors, qu’il explique que l’Ubérisation est la règle, vu que les chauffeurs sont propriétaires de leurs caisses.

 


A propos de « l’alliance », il dit : « La Nupes, elle est dépassée. Il faut rassembler bien au-delà… » Mes camarades nuptiaux seront offusqués mais il a parfaitement raison. Il ajoute « Oui ! Nous devons parler à toute la gauche. Il n’est pas imaginable d’exclure qui que ce soit si l’on veut incarner une force de progrès capable de l’emporter. Ce qui fera notre force, c’est autant notre diversité que notre programme. » Et c’est après qu’il part sur son topo au sujet de Cazeneuve, que je citais plus haut, avec sa sortie du capitalisme (ou presque).

Il ne veut exclure personne… sauf les socdems. Un peu de sérieux, tout de même.

 

Tout d’abord, pour n’exclure personne, il faut commencer par ne pas exclure des tendances de l’isoloir. C’est pourtant ce que fait Nupes et que, en fin de compte, voudrait faire Roussel avec son « rassemblement au-delà ».

En fait, on en revient à ce que disait mon copain Denis dans son billet critiquant Roussel : « Et la seule union possible pour les gens de centre gauche, de gauche et d’extrême-gauche qui veulent un changement dans ce pays, c’est la NUPES. » Ce conglomérat, quel qu’il soit, veut exclure le centre gauche. C’est presque ce que fait la direction de la Nupes, d’ailleurs (rappelons que Faure « n’a » que 50% du parti socialiste, parti déjà déserté par des gens du centre gauche…).

Il faut que chaque sensibilité de la gauche puisse s’exprimer. Il ne peut pas y avoir d’alliance électorale qui, par nature, exclut une partie de la population, ce que fait la Nupes, notamment par certains comportement qui sont inexcusables pour certains (voir mon billet d’hie et je vais en ajouter une couche ci-dessous).

 

Alors je suis un peu fatigué des gens qui veulent réunir tout le monde sauf moi, pourtant tout droit issu de la seule troupe de branquignols qui a réussi à faire gagner la gauche à des élections nationales.

Je suis aussi fatigué des erreurs d’analyse, comme à propos de la dernière partielle. Je vais citer Captain Haka : « L'égérie antivax, qui avait défilé contre l'islamophobie sous l'œil attendri des islamistes s'est fait lourder par les ariégeois qui lui ont préféré la candidate soutenue par une partie des socialistes qui refusent de faire carpette à méluche. » Puis : « Comme d'habitude, avec ces gugusses, c'est la faute des autres. C'est grâce à la droite et l'extrême-droite que la socialiste a gagné. Comme d'habitude, ceux qui ne les soutiennent pas et ne pensent pas comme eux sont des fachos. »

Reprenons : c’est bien Mme Froger qui a réussi à se propulser au second tour. C’est bien Mme Taurine (et la Nupes) qui n’a pas réussi à l’emporter. Ce sont bien des électeurs de gauche, dans une circonscription historiquement à gauche, qui ont propulsé Mme Taurine au second tour, sans doute pour des raisons telles que citées par mon éminent confrère : ils ne veulent pas d’une antivax limite islamogauchiste. La Nupes ne peut pas accuser les autres avec comme seule idée « ce sont rien que des fachos ».

C’est ainsi que fonctionne la démocratie.

 

Et ce n’est pas parce quelques types, certes bien intentionné, ont décidé qu’il fallait une alliance, par ailleurs totalement inédite, que cette alliance suffit à gagner. Les électeurs de Nupes sont de très bonne foi. Ils votent « massivement » pour Nupes au premier tour parce qu’ils veulent une force de gauche forte. Cela ne veut pas dire qu’ils sont convaincus par le projet de la Nupes ou par les théories de ses chefs, seulement qu’ils pensent – à juste titre en l’état actuel de décomposition de la gauche – qu’ils sont les seuls à pouvoir à pouvoir faire un beau score.

Ce qui ne veut pas dire gagner. Seuls quelques hurluberlus ont voté Mélenchon puis un candidat Nupes en pensant réellement que les élections allaient être gagné tout comme, pour ma part, je n’ai pas voté Roussel, au premier tour, pour le propulser au pouvoir.

 


Après tout, Jadot a déclaré récemment qu’il fallait arrêter la culture des céréales et faire manger de l’herbe aux poules (je n’invente rien…). Quant à l’autre candidate de la gauche, on a vu qu’elle avait pour principale ambition de faire un referendum pour savoir si les habitants de la plus belle ville du monde allaient pouvoir se déplacer en patins à roulettes (j’invente à peine).

Maintenant, que les forces de gauche se mettent au travail, comme avant 1981, avant 1997 et, plus récemment, avant 2002 où la gauche s’est mise en position de gagner, même si cela a du passer par l’affreux congrès de Reims.

 

Il faudrait reposer les pieds par terre. Et arrêtez de faire des théories débiles consistant, globalement, à taper sur le dernier mec à nous avoir permis d’arriver au gouvernement.

J’ai un conseil à donner : arrêtons de parler de la Nupes, alliance montée dans la panique générale à une époque où la candidate socialiste s’est vautrée à une élection (sans en être totalement coupable, d’ailleurs, c’était bien Faure qui dirigeait le parti à l’époque, déjà…).


Vous pouvez faire une alliance sans moi. C'est vous que ça regarde. J'ai mis des conditions. Et je n'hésite pas, on l'a vu à la dernière présidentielle, à voter pour quelqu'un qui ne représente pas vraiment mon courant d'idée.

C'est vous qui voyez.

Et voyez aussi le joli dessin de la situation à l'Assemblée Nationale : dans la moitié gauche du camembert, il y a 135 (virgule 5 !) types de Renaissance, soit plus que de Nupes. Arrêtez donc d'avoir la prétention d'être la gauche à vous seuls. C'est assez mathématique.

13 commentaires:

  1. Deux points de vue irréconciliables.

    La politique menée par Hollande, Ayrault, Valls et Cazeneuve s'inscrivait dans une banale politique de l'offre financée à coup d'aides publiques aux entreprises payées avec nos impôts, entamée déjà sous Jospin. 156 milliards de déficit prévus ; 160 milliards d'aides publiques aux entreprises, dont 75 milliards d'exonérations de charges. Ce ne sont plus des aides ; c'est de la perfusion.

    Je n'oublie pas que la loi Travail sous Hollande a été soutenue par Fillon. Je n'oublie pas le Pacte de responsabilité et le CICE. Il y a les mots. Et puis, il y a les faits et la réalité.

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    1. On se fout de prétendre qu’elles ne sont pas réconciliables. Il faut bien trouver une majorité. Il faut une cohérence pour cela. Par exemple, les gauchistes qui dénoncent les aides publiques aux entreprises sont les premiers à réclamer une reindustrialisation de la France. Il faut être cohérent. Après les gauchistes se plaignent d’être ignorés (pour être poli). Qu’ils aillent se faire voir. Leur seule solution pour obtenir un pouvoir (qui leur échappera vite) est que des centristes votent pour eux pour éviter les fachos.

      NJ.

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  2. les nupiens se font des risettes devant, et se dézinguent par derrière. un attelage de lfi composé de concubine, chauffeur , gendre et quelques idéologues dépassés par des jeunes activistes insignifiants le tout avec pour seul grandiose projet politique pour la nation de mettre mélenchon à matignon. peuchère ! Risible !

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    1. Oui c'est risible. Mais je ne comprends pas comment des gens très bien, que j'apprécie réellement (notamment pour avoir travaillé avec eux en 2012), sombrent dans cette hystérie...

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  3. Bonjour Nicolas,

    La position des LFIstes (ou du moins de ceux d'entre eux qui réfléchissent) vient de loin : c'est celle des trotskistes vis-à-vis du front populaire, ce qui n'est pas vraiment surprenant vu la formation intellectuelle de Mélenchon.
    Très schématiquement, il s'agissait de refuser l'alliance avec des partis bourgeois (disons, du centre-gauche : les radicaux à l'époque) parce que dépendre électoralement de cette alliance pour gouverner obligerait les partis ouvriers (communistes et socialistes) à renoncer à leur objectif révolutionnaire (le renversement du système capitaliste), et conduirait en fin de compte à la défaite du prolétariat.

    On a le droit de trouver cette position cohérente, mais pour y adhérer (comme je l'avais fait naïvement à une époque où tu étais encore en culottes courtes) il faut :
    - souhaiter une révolution socialiste dans notre pays, idéal au nom duquel il faudrait effectivement refuser toute alliance (ou compromis électoral) avec des partis opposés à cette révolution;
    - penser qu'une majorité de sa population la souhaite aussi (sans quoi ce n'est pas par les urnes qu'on peut y arriver, et ce n'est plus le même débat);
    - espérer qu'une telle révolution ne conduirait pas à une régression sociale pour la majorité de la population compte-tenu de l'isolement économique qui ne manquerait pas d'en découler. Ce n'est pas pour rien que Trotsky s'était opposé à Staline au sujet du "socialisme dans un seul pays" et qu'il considérait que seule la révolution mondiale pourrait sauver l'URSS de l'effondrement économique et finalement politique. L'histoire lui a plutôt donné raison, même si la deuxième guerre mondiale a brouillé les cartes en permettant à Staline de consolider son régime et de finir de faire taire les oppositions internes, conduisant à un statu-quo durant un demi-siècle. Et je ne sais pas comment qualifier le régime russe tel qu'il a évolué depuis trente ans, mais il n'a rien de socialiste.

    Cela résume la question à poser aux militants de la très courte majorité de ce qu'il reste du PS : sont-ils convaincus de ces trois points, et surtout, croient-ils que leurs électeurs le sont ?
    Et si ce n'est pas le cas, comment espèrent-ils gouverner un jour dans le cadre d'une union dans laquelle ils sont contraints de s'aligner sur les positions de LFI (ou plutôt, de Mélenchon), d'accepter les discours et les comportements des militants insoumis (pas tous; comme toi j'ai par exemple un certain respect pour Ruffin), et de refuser tout compromis avec le centre-gauche (et en particulier les anciens électeurs du PS) ?

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    1. Yves, on est bien d'accord pour ce que tu dis de ceux qui réfléchissent mais la plupart des militants ne rentrent pas dans ce cadre. Ils réfléchissent, bien sûr, mais pas à l'histoire de la gauche : ils pensent programme, ils cherchent comment convaincre les électeurs, avoir une majorité et tout ça.

      Je n'ai pas les compétences pour convaincre "les gentils de la Nupes" (il n'y a pas que les socialos, mais aussi des gugusses issus des autres tendances) de tout ce bordel.

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    2. Je dis que je n'ai pas les compétences pour convaincre mais je ne prétends pas, non plus, avoir plus de compétences que des militants dans quel que domaine que ce soit. J'ai seulement, peut-être, un peu plus "d'instinct politique ou électoraliste" qu'eux.

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    3. Si ton instinct politique (que je partage, mais visiblement pas la direction nupsiste du PS) recommande de ne pas cracher à la gueule des gens qui se sentent toujours sincèrement "de gauche" (mais pas de cette gauche-là), qui représentent plus de la moitié de l'électorat de Macron au 1er tour de 2017 et probablement encore la moitié en 2022, et de ceux qui sont allé voter pour Martine Froger en Ariège, je suis d'accord.

      Mais ne pas leur cracher à la gueule ne se limite pas à éviter de les insulter en les traitant de sociaux-traîtres, ça suppose aussi d'être capable de comprendre pourquoi ils ne se retrouvent pas dans les positions de la Nupes sur un certain nombre de sujets, et ne s'y retrouveront jamais : sinon ils auraient déjà voté pour Mélenchon en 2012 et encore plus en 2017 après cinq ans de macronisme (et avec un PS inexistant).

      Parce que sans eux, la "vraie gauche" continuera de plafonner à moins de 30%.
      Et ce n'est pas que de stratégie électoraliste qu'il s'agit : même en supposant que ces 30% suffisent à obtenir une majorité à l'Assemblée (relative ou même absolue, ce qui n'est pas impossible dans notre système électoral tordu), on ne peut pas gouverner contre 70% de la population (sans parler de ceux des 30% qui seront vite déçus, compte-tenu de l'impossibilité d'appliquer le "programme" ou des conséquences qu'aura son application), à moins d'être en dictature. Macron est en train de s'en rendre compte à ses dépens (probablement, mais l'histoire n'est pas finie).

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    4. On est d'accord ! Ca va commencer à se voir...

      Notamment d'accord sur le fait qu'il n'y a pas d'effort faits pour que les Nupsiaux comprennent les gauchistes non nupsiaux. C'est ballot, corriger quelques erreurs pourrait leur permettre de récupérer un avantage certain.

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  4. Le vengeur masqué05 avril, 2023 17:25

    Tiens selon un sondage, la NUPES obtiendrait le plus grand nombre de sièges, au coude à coude avec le RN. Voilà qui va à l'encontre de vos affirmations.

    https://twitter.com/2022Elections/status/1643630535179116547

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    1. Elie, faut pas diffuser des résultats partiels. https://elabe.fr/presidentielle-legislatives-2023/
      Nupes ne prendrait pas une voix. Renaissance perdrait au profit du RN.

      Néanmoins, Marine Le Pen devant gagner la présidentielle, mes députés RN arriveront en tête même si le sondage ne laisse par paraitre ce fait probable.

      Et ce n'est pas ce que disais le précédent sondage.

      (j'ai publié le commentaire car je ne peux identifier l'auteur et j'ai un doute sur le fait qu'Arié soit capable de faire un lien vers un Tweet, ce qui, par ailleurs, est idiot)

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    2. Je ne sais pas ce qu’il faudrait démontrer. Que personne ne pourrrait plus gouverner à part via une alliance entre la macronerie et le RN… Ou un assouplissement de la Nupes en direction de la macronerie qui vient en grande partie de la sociale démocratie.

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