Le gouvernement et la droite (si tant est qu’on puisse
trouver une différence tant le premier cherche à faire une majorité) préparent
une loi sur l’immigration et on en parlait beaucoup hier (pour ma part, ça fait
plusieurs mois que j’évoque le sujet dans mon blog). Parmi les dispositions, on
parle beaucoup de la fusion de la carte d’identité avec la carte Vitale et j’ai
participé à plusieurs discussions dans Twitter et Facebook hier.
Pour les partisans comme pour les opposants à cette mesure,
beaucoup d’âneries sont racontées. Désolé de faire un billet un peu technique
mais revenir à la base n’est pas toujours inutile…
Tout d’abord, j’aimerais connaître le coût réel de la fraude
à la carte Vitale. On nous dit que la fraude sociale est de l’ordre de la
dizaine de milliards d’euros (Google donne différents chiffres). Mes camarades
gauchistes diraient que ce n’est rien par rapport à la fraude fiscale ce en
quoi ils n’ont pas tort mais ne mélangeons pas tout. Une majorité porte sur le
travail au noir. Il y a les arrêts de travail abusifs. Il y a ce que les
prestataires de santé (notamment les centres ophalmolomachins ou dentaires)
facturent à la sécu sans raison. Je vous passe les allocations familiales indues
et les prestations bidons versées à l’étranger.
Je repose la question : quel est le montant de la
fraude à la carte Vitale ?
De ce montant, déduisons le montant de ceux qui fraudent « de
bonne foi » ou sans conséquence (genre le mec qui a perdu sa carte Vitale
et prend celle de son grand père). Déduisons aussi le montant des dépenses qui
auraient été engendrées par les fraudeurs qui, pour la plupart, ont quand même
besoin d’être soignés ? A ce stade, il doit bien nous rester un montant
mais je ne suis pas persuadé qu’il soit supérieur au coût des mesures
envisagées…
Un renforcement des mesures de contrôle des cartes Vitale
(et je n’en suis pas partisan) permettrait de vérifier que le titulaire est
bien l’assuré social et a bien le droit à des prestations. Certes. Mais
pourquoi l’assuré social aurait-il une carte d’identité ? Un étranger qui
vit et travail en toute régularité en France est bien un assuré social. Quel
rapport entre l’Assurance maladie et la nationalité ?
Par ailleurs, il ne revient pas au personnel médical de
vérifier l’identité des gens mais de contrôler qu’ils sont bien « bénéficiaire »
de l’assurance maladie.
Avec ces considérations fonctionnelles, on peut penser que
la fusion n’a aucun intérêt, voire n’a aucun sens. Faudrait-il permettre d’adosser
la carte Vitale à un titre de séjour, par exemple ?
En revanche, il y a des travaux (qui sont en retard) pour permettre
d’avoir la carte d’identité sur smartphone ce qui faciliterait, par exemple, j’ajout
d’une couche de biométrie (mais le sujet n’est pas là). Je ne vois pas
pourquoi, à terme, on n’aurait pas aussi le permis de conduire sur smartphone.
Alors pourquoi pas la carte Vitale sur smartphone.
Dans ce contexte, on n’aurait aucun complexe à avoir
différents « papiers » dans le même support. C’est indubitablement l’avenir
même si tout le monde n’a pas de smartphone et qu’il restera des exceptions à
gérer. Mais, si on peut tout avoir dans le même smartphone, pourquoi ne
pourrait-on pas tout avoir dans la même carte ou, plus précisément, la même
puce ? La technologie le permet tout comme on peut facilement avoir une
étanchéité entre les applications dans une puce (il reste à en convaincre le
grand public mais les cartes à puce sont un peu mon job).
Parlons maintenant de ce à quoi sert la carte Vitale ? Objectivement, son principal intérêt est d’être
un point d’entrée aux traitements administratifs de ce qui est lié aux
consultations notamment en évitant la transmission « manuelle » des
feuilles de soin, leur saisie et j’en passe. Le tout, évidemment, pour faire de
grosses économies. Il reste de la marge de progression : les arrêts de
travail, par exemple, ne sont pas automatisés et les ordonnances sont toujours
sur papier. S’il n’y avait pas toute cette informatisation, on ne pourrait pas
mettre en place le paiement automatique des toubibs et donc permettre aux braves
gens qui n’ont pas d’oseille de se soigner. On ferait mieux de s’occuper de « la
marge de progression » pour faire d’autres économies que de dépenser du pognon
dans la lutte contre la fraude.
Cela dit, le numéro de sécu pourrait très bien être utilisé
et la carte ne pourrait alors servir que pour éviter au personnel (toubibs, pharmaciens…)
de saisir le numéro.
Ce n’est évidemment pas le seul intérêt de cette carte. Je
suppose qu’elle permet au personnel soignant d’avoir accès à des données
médicales du patient. Ah non, tiens ! On peut se faire soigner sans carte
Vitale tout en ayant le même service.
Parfois, il nous faut « mettre à jour » la carte.
Je ne sais pas ce qu’il est mes à jour. Je trouve ça complètement con, les
systèmes étant connectés, un accès au SI de la CPAM est toujours possible. Pourquoi
faire des mises à jour ? Le mystère reste entier pour moi. Il n’empêche
que ça sert forcément à quelques chose (même si la conception date d’avant l’interconnexion
via Internet).
Si la carte facilite l’accès par le toubib au système d’information
de la CPAM et autres machins, elle permet aussi aux centres de soin (qu’ils
soient un simple toubib comme un mastodonte comme les hôpitaux de Paris) d’avoir
accès aux dossiers médicaux qui leur sont propres.
Si la carte permet d’identifier un assuré social pour tous
les trucs que je viens d’évoquer (et certainement d’autres) pour… s’assurer qu’il
l’est, il faut aussi qu’elle soit sécurisée (que les systèmes puissent vérifier
qu’elle a bien été émise par un organisme agréé pour une personne précise). Je
suppose qu’un système de cryptographie permet de le faire. Il faut aussi s’assurer
que celui qui la présente à un personnel de santé en soit bien le propriétaire.
C’est délicat. Que faire par exemple pour une personne qui
confierait ses gamins à ses propres parents pendant les vacances ou prêterait
sa carte à son gamin pour qu’il puisse faire une consultation tout seul ? Ou
que feraient les écoles ou les colonies de vacances en cas de problème de santé
(je ne dis pas qu’il n’y a pas de solution mais nous sommes loin des cartes
Vitale !) ?
Les exceptions sont tellement nombreuses que je ne vois pas
bien comment les traiter correctement par un changement sur les cartes ?
Alors leur fusion avec la CNI… Au niveau de la lutte contre la fraude, elle n’apporte
pas grand-chose… Il faut bien soigner les gens malades qui ne peuvent pas avoir
de Vitale fusionnée avec une CNI (et je parlais, plus haut, des assurés sociaux
n’ayant pas la nationalité).
Si la carte permettait de vérifier l’identité de celui qui
la présente, ça serait un plus. Il n’empêche que je ne suis pas persuadé qu’il
revienne au personnel médical de vérifier l’identité des gens sauf pour éviter
de leur faire une greffe des testicules alors qu’il faudrait juste enlever du gras
au foie.
Si vous cherchez des informations sur le sujet (la fusion)
dans Google, vous trouverez des arguments liés à la protection des données. On
voit par exemple des gens qui craignent que le ministère de l’intérieur puisse
avoir accès à vos données médicales.
Or, ce n’est pas la carte Vitale qui donne accès aux données
mais les autorisations attribuées à l’ordinateur qui consulte. Je suppose que
le toubib, par exemple, a un système d’authentification forte. Et c’est bien ce
qui importe – ou devrait importer – la sécurisation de l’accès aux différents
SI.
Dans notre contexte, la RGPD est importante, évidemment,
mais la carte Vitale ne joue aucun rôle dans le processus. Si un terminal d’un
service du ministère de l’intérieur peut accéder aux données de la CNI, il ne
pourra pas accéder aux données « santé ». Point.
Je suis d’accord qu’il faut être prudent et avoir confiance
mais, techniquement, il n’y a aucun problème.
Désolé d’avoir fait un billet différent par rapport à d’habitude,
surtout dans un domaine que je ne connais pas spécialement (vos remarques en
commentaire seront les bienvenues sauf si vous êtes un vieux con sénile
persuadé de tout savoir mais se plantant généralement). Je connais bien, par
contre, la sécurité par carte à puce et, d’une manière générale, ces problèmes
de sécurisation des connexions à des SI (pas d’un point de vue technique, dans
ce dernier cas, mais d’un point de vue fonctionnel).
Il me paraissait important de faire le point avant que cela
ne parte en couilles pour des raisons politiques.
J’imagine bien, par exemple, mes camarades de gauche dénonçant
le flicage des étrangers alors que, en fin de compte, le nouveau système
permettra surtout de s’assurer que les titulaires d’une CNI seront bien des
assurés sociaux.
Avec ce volet de la réforme, j’ai bien l’impression quand
même que l’on marche sur la tête (ce qui ne veut pas dire qu’elle ne soit pas
nécessaire pour d’autres raisons, notamment la réduction des coûts).