Ce qui se passe à l’Assemblée avec le projet de loi « LIOT »
pour rétablir l’âge de la retraite à 62 ans est profondément ridicule. Je n’ai
pas réussi à tout suivre (j’ai un métier, aussi !) et donc à tout
comprendre et j’imagine que la plupart de nos concitoyens sont dans mon cas. C’est
dont assez amusant de voir les militants NUPES et ceux de Renaissance s’écharper
dans les réseaux sociaux en se persuadant que le sujet est terriblement
important.
Je pense qu’il faut sortir d’une casquette partisane pour étudier
la situation, ce qui n’empêche pas de rester partisan : moi, par exemple,
je suis contre l’augmentation de l’âge de la retraite. Ca ne m’empêche pas de
taper sur NUPES comme sur la majorité (relative…) dans cette histoire. Et sur
LR car ils sont partie prenante dans ce bordel tout comme les andouilles de « LIOT »,
cette espèce de groupe poubelle, où est inscrit le député réactionnaire de
Courson à l’origine de la motion de censure dont je vais parler et du texte de
loi en cours.
Reprenons donc… Nous avons un Président qui, lors du mandat
précédent, a dit qu’il n’était pas utile de changer l’âge de départ. Candidat
pour sa réélection, il a changé d’avis et promis le contraire. Le gouvernement
a donc préparé la réforme. Pour se faire, il s’est en parti appuyé sur le rapport
du COR. La gauche a donc commencé par taper sur le COR en traitant ces « zouaves »
de ramassis de libéraux. Il se trouve que le COR n’a pas dit qu’il fallait une
réforme. La gauche a donc changé de point de vue et s’est appuyée sur le COR
pour critiquer la réforme. Je dis ça pour me moquer, on s’en fout du fond.
Ajoutons que le grand public est largement opposé à cette
réforme (environ les trois quarts des Français) à un pont que c’est une
aberration pour le président d’avoir insisté d’autant que le rapport du COR ne
déclenchait pas d’alerte…
Le projet de loi est arrivé devant le Parlement. Je fais
partie, comme beaucoup de gens, de ceux qui pensaient qu’il n’était pas Constitutionnel
car il prévoyait une mesure importante qui n’aurait pas dû passer par une loi rectificative
de la loi de financement de la Sécurité Sociale, ce qui est d’autant plus
logique que la loi initiale venait d’être votée : c’était une aberration
de la changer immédiatement. On a vu plus tard que le Conseil Constitutionnel
nous a donné tort ce dont j’ai pris acte, pour ma part.
Ensuite, le texte a été étudié par l’Assemblée mais une des
composantes de la gauche, LFI, a fait une obstruction parlementaire empêchant l’article
au sujet de l’âge de la retraite d’être étudié vu que le Gouvernement a mis en œuvre
un dispositif parlementaire (l’article 40, de mémoire, est force de parler d’articles,
on se perd) faisant en sorte que le temps d’étude de la loi par l’Assemblée
soit limité. Le texte a donc été adopté par défaut, en somme, en première
lecture par l’Assemblée. Déjà, à ce stade, le sommet du grotesque n’est pas
très loin. Et il nous faut accrocher nos bretelles pour tenter de comprendre la
suite… D’autant que j’ai oublié une première motion de censure déposée par le
RN.
Le texte est arrivé au Sénat ou il a été validé,
probablement grâce aux sénateurs LR (j’ai oublié le détail), est passé en CMP
avec une version à nouveau validée par le Sénat (je crois bien que c’est comme
ça que ça se passe mais cet épisode a peu d’importance) non sans utiliser – encore !
– un article de la Constitution pour avoir un « vote bloqué » (c’est-à-dire
sans prendre en compte les amendements déposés par des Sénateurs).
Des le retour à l’Assemblée, la première ministresse estime (je
suppose) que le texte aurait beaucoup de chance de ne pas être adopté (surtout
sans âpre négociation avec LR…) et décide d’engager la responsabilité du
gouvernement. Il s’en suite le dépôt d’une motion de censure par un groupe
politique inconnue de tous, LIOT, présenté par un très ancien député,
auparavant favorable à l’augmentation de l’âge de départ et particulièrement
réactionnaire, sachant que si la motion de censure avait été déposé par la
NUPES, elle n’aurait pas été votée par le RN et vice versa. La NUPES et le RN
ont voté conjointement la même motion de censure au prétexte qu’elle était
déposée par autrui.
A noter que c’est à partir de ce moment que je me suis désolidarisé
de l’opposition à la réforme (mais si l’obstruction parlementaire m’avait déjà
gonflé).
Cette motion échoue, ce qui était prévisible, à un poil
près.
Le texte a été soumis au Conseil Constitutionnel qui l’a
rejeté, comme je le disais. Ils n’ont pas pris en compte mon avis, ces méchants…
En même temps, NUPES et RN ont déposés à ce Conseil des
demandes de Referendum d’Initiative Partagée. A noter que, cette fois, j’étais
contre (mais je n’ai pas pris la peine d’en faire un billet) : ce n’est
pas « au peuple » de décider si les retraites ont un problème de
financement. Parfois, les referendum sont très démagogiques… Elles ont été
rejetées (je ne me souviens plus des motifs).
La réforme est promulguée. Tout le processus a été conforme
à la Constitution (ou à l’esprit de cette dernières) même si le peuple était
contre. Si les députés LR avaient adopté la position qu’ils ont quand ils sont
au gouvernement, le texte aurait été adopté sans bricolage avec des articles de
la Constitution, même si leurs électeurs sont sans doute moins débiles et sont,
tout comme « le peuple » opposés à la réforme. Du moins, pour les
plus jeunes… Nous avons donc une autre
couche de ridicule, on ne le signalera jamais assez.
Même si la réforme est promulguée, les mouvements sociaux
ayant accompagné le processus parlementaire ont continué mais sont entachés par
des violences policières et par des ridicules casserolades. Je parle des
violences policières pour faire plaisir mais mon opinion est qu’elles sont
uniquement dues au comportement d’abrutis en marge des manifestations. Et donc
un tantinet légitimes ou excusables. Ce n’est pas mon sujet (les forces de l’ordre
ont tout mon soutien et puis c’est tout). Et je ne parle pas des grèves des
éboueurs, donc des poubelles qui s’entassent, des incendies qui vont avec, des
appels à couper ses disjoncteurs, des coupures d’électricité ciblées…
Les mouvements sociaux se sont arrêtés brutalement alors qu’on
entrait dans une période chargée en ponts. J’ai soutenu ces mouvements mais j’ai
été content qu’ils s’arrêtent pour mai. Je suppose d’ailleurs que les syndicats
ont tenu un peu le même raisonnement que moi : empêcher les gens de partir
en week-end aurait été désastreux.
Les mouvements sociaux devraient reprendre mais cela est aussi
ridicule (au fond, il ne fallait pas arrêter, je sais, j’ai des paradoxes) d’autant
que c’est l’opposition qui a l’initiative de la prochaine étape dans un
processus législatif.
Nous y voila, d’ailleurs : la nouvelle proposition de
loi, toujours déposée par LIOT pour remettre l’âge de la retraite à 62 ans.
Déjà, en soi, que l’opposition dépose un projet de loi pour annuler une loi passée
il y a deux ou trois mois est bien plus que ridicule. Ensuite, il me semble
évident que la loi est contraire à l’esprit de nos textes vu qu’elle engendre
un beau déséquilibre du budget (qui ne me choque pas, ce n’est pas la question),
tout comme, d’ailleurs je jugeais le texte du gouvernement non conforme…
Voila notre texte qui arrive en commission des finances. Elle
a, depuis une quinzaine d’années (selon les volontés de Nicolas Sarkozy), un
président qui vient de l’opposition (du plus gros groupe, donc Nupes). S’il n’était
pas guidé par une volonté politique et soumis à son groupe, M. Coquerelle
aurait pu ou dû déclarer ce texte inéligible. Vous en pensez ce que vous voulez
(je vais y revenir) mais il introduite une dépense supplémentaire (ou un manque
à gagner) qui n’est que faussement compensé par une taxe sur le tabac. Il l’a
validé. C’est de bonne guerre.
Voila notre texte qui arrive en commission des affaires
sociales. Là, je n’ai pas tout compris. Je vais essayer de résumer ce que j’ai
dans le crâne (et dans Google News). Toujours est-il que la commission – naturellement
acquise à la majorité – a rejeté l’article au sujet de l’âge de départ,
notamment grâce au soutien de LR qui a un peu modifié « ses œufs dans le
panier ». M. de Courson a annoncé qu’il rétablira l’article par amendement
mais Mme Braun-Pivet a confirmé qu’elle bloquera le texte.
Devant vos yeux ébahis, on va résumer : le gouvernement
fait passer un texte de loi sur un sujet auquel avait été opposé le Président
mais il a changé d’avis. En mars, la gauche a fait de l’obstruction parlement
pour empêcher que le texte soit discuté. Il s’en est vanté. Le mois suivant, elle
a voté une motion de censure car elle n’était pas contente qu’on ne vote pas pour
un texte alors qu’elle avait tout fait pour empêcher ce vote. Le mois d’après,
elle gueule parce qu’on l’empêche d’empêcher le vote (je reprends ça d’un tweet
de @Daarjeeling).
Cela est profondément grotesque. C’est un fait. La majorité,
la gauche et la droite de gouvernement, dans une moindre mesure, passent pour
des clowns. A qui profite le crime ? Et je ne parle pas des syndicats
qui ont mis les luttes en berne pendant cinq ou six semaines…
En complément, pendant ce temps, il y a des types qui
parlent de crise institutionnelle (sans doute à raison) et évoquent la nécessité
de passer à une nouvelle Constitution.
M’est avis que dans n’importe quel pays au monde, un
gouvernement n’aurait tenté de faire passer une loi à laquelle sont opposés les
Français sans être assuré d’avoir une majorité pour le faire, en passant par
une série de dispositifs prévus pour autre chose (une loi rectificative d’une
loi de finances et la procédure accélérée), d’autant qu’il n’y a aucune urgence
(on parle d’un déficit à moyen terme pour, qui plus est, d’un poste de charges
dont tout le monde s’accord pour dire qu’il ne devrait pas varier beaucoup en
pourcentage du PIB).
Dans n’importe quel pays du monde, un gouvernement aurait pu
avoir une majorité à condition de rester ouverte. Tout se négocie. « Bon,
les gars, on n’augmente pas l’âge mais on fait passer le reste puis vous ne
nous ferez pas trop chier avec la loi immigration ». La tournure qu’a pris
le découpage « politique » du pays ne favorise pas ces
négociations avec un centre large, une « droite traditionnelle »
diminuée (et toujours aussi débile), perdus entre deux larges extrêmes.
Notons d’ailleurs que l’existence même de la Nupes empêche
une gauche modérée de participer aux négociations (vous pouvez penser que c’est
un bien mais, pour l’instant, la Nupes n’a rien fait ou presque et ne pourrait
agir qu’avec l’aide du RN).
Un changement de Constitution n’aurait rien changé. Y
compris un passage à la proportionnelle pour les législatives (sauf que Renaissance
et LR aurait été obligés de négocier ensemble).
Un changement des pratiques institutionnelles est un leurre.
Tous les changements faits depuis un certain temps ont été néfastes. On le
voit, par exemple, avec la présidence de la Commission des finances attribuée à
l’opposition. On pourrait remonter au
début de la Cinquième, avec la première modification qui a poussé à une
présidentialisation du régime ou à un passé plus récent avec le quinquennat et « l’inversion
du calendrier ». Un peu moins loin, on a vu un referendum avec une proposition
qui a été refusée mais avec des disposition reprise plus tard par la voie
législative.
Un nouveau changement serait une tromperie. Nous avons, par
exemple, gens qui prônent des tirages au sort de représentant. Ils commettent
une erreur de base : ils sont persuadés que leurs idées deviendraient ainsi
majoritaires. C’est faux. Cette « Sixième » n’est qu’un hochet tendu
par les professionnels de la politique à des militants qui ont encore l’espoir
de changer le pays.
Le seul changement que nous avons est que nous avons une progression
de l’extrême-droite. Au pouvoir, dès son élection, Marine Le Pen n’aura aucun
mal à faire ce qu’elle veut avec l’article 11 de la Constitution. Et quelle que
soit la Constitution, il devra y avoir un article qui renvoie à la souveraineté
du peuple. Tous les autres referendums sont aussi du pipeau sauf s’ils portent sur
des sujets mineurs, comme en Suisse (on peut toujours négocier mais cherchez
bien dans Google).
Dans l’attente, la loi a été promulguée. On n’en fait pas
une autre immédiatement pour l’annuler. Il reste deux solutions : que le
peuple continue à manifester contre la précédente réforme pour obliger le
gouvernement à revenir en arrière (par une autre loi d’ailleurs) mais c’est
presque trop tard. Soit on se fait élire la prochaine fois et on revient sur la
mesure.
Dans l’attente, il faut arrêter de jouer. Et de mentir. C’est
valable pour tout le monde. C’est un mensonge de faire croire que les députés
pourraient changer d’avis en trois mois tout comme c’était un mensonge de faire
croire au peuple que le système de retraite était en danger.
Il faut arrêter de mentir. Point. Par exemple, si le
gouvernement avait vraiment été libéral, il aurait évité de sauvegarder le
système de retraite (même à tort) pour le faire couler. Soit il l’aurait
remplacé par un système, par point ou par capitalisation.
Revenons au sérieux.
Mais enfin, qui va commenter - et même lire... - un billet pareil, à part un certain EA, évidemment grand connaisseur de la question ?
RépondreSupprimerDégé
J’avais fait le billet hier mais je n’ai pas eu le temps de le publier. En le reprenant, aujourd’hui, j’ai ajouté les deux dernières cinquièmes. Comme je fous une dizaine de commentaires (de l’enculé) par jour, je finis par le fourre du nombre total. Le billet d’avant hier etait long et a eu plusieurs commentaires.
SupprimerHaine GI.
Grosse journée aujourd'hui : J'ai lu ce résumé (10 pages toute de même !) des aventures de la retraite à 64 ans et le journal de DG du mois de mai. Je vais devoir me coucher tôt pour récupérer !
RépondreSupprimerJe suis tout à fait d'accord avec vous sur le ridicule de cette discussion parlementaire concernant le passage de la retraite à 64 ans. De plus, je ne comprends pas bien l'émotion que suscite ce changement dans l'opinion puisque celle-ci avait avalé la réforme Touraine. Je comprends donc que vous puissiez dire que toute demande de changer de constitution basée sur l'exemple de cette malheureuse expérience gouvernementale et parlementaire soit infondée.
Par contre, je suis profondément persuadé qu'il faut changer beaucoup de chose dans notre constitution ou changer de constitution si nécessaire. Plus personne autour de moi ne se sent représenté par quiconque mis à part peut-être le maire de son village. Le président est minoritaire dans l'opinion le lendemain de son élection, les taux d'abstention pour les élections des députés battent record sur record, la représentativité des conseillers généraux, régionaux ou des députés européens est pire et si on regarde celle des syndicats nationaux on n'est guère plus rassuré. Il devient même de plus en plus difficile de s'offrir le plaisir de s'engueuler avec son voisin sur une décision gouvernementale ou la proposition d'un opposant lors d'un repas de famille ou au bistrot : il n'y a plus jamais personne pour les soutenir ! Je me sens même parfois obligé de le faire, juste pour le plaisir de faire réagir et de jouer un peu !
J'ai donc l'impression que nous sommes dans une impasse et que cette Vème république va tomber comme toutes les précédentes, c'est à dire par un changement brutal et très peu constitutionnel. C'est peut-être dans la nature de toute chose issue de la révolution française....
La Dive
Il ne fait pas dix pages mais un peu plus de trois feuilles A4 avec une police de taille 12... Bon courage tout de même !
SupprimerPour ce qui concerne Touraine, je réponds à T0Pol, ci-dessous.
Pour le reste, s'il y a des changements qui s'imposent (tenez, le mode d'élection des conseillers départementaux est une évidence) mais je ne suis pas persuadé que l'on puisse changer beaucoup si les politiciens ne changent pas eux-mêmes (ce qui est impossible : leur but finit nécessairement par être le pouvoir).
J'ai aussi l'impression que nous sommes dans une impasse mais tout ce que je peux faire est de ronchonner dans mon blog pour éviter des conneries.
Macron s'il avait été malin et m'avait payé comme Spin Doctor aurait du découper en 2 trucs: 1) faire voter la fin des régimes spéciaux, mesure soutenue par 70% des sondés à ce moment là les partenaires sociaux auraient été peu suivis par la population partant 10 ans après eux à la retraite (je résume hein) et rajouter quelques mesures pour les femmes et autres trucs de la réforme hors âge, et donner des trimestres en bonus au professionnels de santé du covid et quelques rares professions. 2) laisser le reste (âge de droit de départ) aller comme le prévoit la loi Tourraine à coup de décrets et dire regardez on applique le truc qu'Olivier Faure a voté du temps où Hollande était président. Mais y'a un truc qui s'est passé.
RépondreSupprimerOn est à peu près d'accord. Il aurait pu même laisser voter le texte en laissant l'Assemblée supprimer la modification de l'âge, ce qui aurait permis de noyer le poisson par rapport au reste.
SupprimerC'est en rusant qu'on passe. Hollande avait mis des trucs comme la pénibilité et sa loi est passée pour un progrès. Il n'y a que dix ans après que les andouilles réagissent mais ils sont baisés vu qu'ils avaient voté pour.
Avant de répondre à La Dive et à Dagrouik, je vais apporter un complément de réponse à Didier.
RépondreSupprimerSi je fais parfois des billets longs, c'est aussi pour me foutre de la gueule de ceux qui émettent des jugements à l'emporte pièce en flirtant sur le buzz... Les mecs peuvent toujours causer, je peux leur envoyer un avis détaillé et argumenté dans la tronche (ce que je ne fais jamais, d'ailleurs : j'écris et j'oublie). C'est un peu grâce à mes âneries que l'on accepte des cartes à puce étrangères sur nos distributeurs de billet, par exemple (je précise "un peu" car si je n'avais pas fait le job, c'est un autre qui s'y serait collé mais c'est bien de mes notes que la communauté bancaire est partie...).
Ecrire est aussi un truc qui me permet de "travailler". Chacun ses méthodes. Dans mon boulot, par exemple, beaucoup d'applications ont été développées sur la base de mes délires personnels progressivement retravaillés.