14 juillet 2023

Ma mère en slip dans Facebook

 


Hier, nous avons fini le règlement la succession de ma mère. Comme tous les sujets personnels, je l’ai plus évoqué dans Facebook que dans le blog. Je parlais récemment de ces « sujets personnels » dans ce réseau avec une copine alors qu’elle venait d’en évoquer un qui la touchait et nous avons brièvement « philosopher » à ce propos. Quel degré d’intimité pouvons-nous avoir ? Beaucoup de gens pensent que j’en dis beaucoup… mais tout est relatif. Par exemple, il y a un an (et un jour), je sortais de l’hôpital où je m’étais fait enlever un bête cancer dans les éponges et peu de mes interlocuteurs savaient, avant l’opération, pourquoi j’allais passer sur le billard.

Certains n’aiment pas parler d’eux, d’autres aiment diffuser des photos, beaucoup ne sont pas doués (entre nous, je ne pense pas être très mauvais pour mettre une couche d’émotion ou d’humour). Il y en a même qui ne se rendent pas compte du ridicule. Par exemple, des tripotés d’andouilles ont récemment annoncé fièrement que leur progéniture avait eu la mention assez bien au machin qu’on appelait le BEPC avant que je n’arrive en troisième. Ils auraient mieux fait de la fermer alors que ce brevet idiot est dorénavant distribué dans des pochettes surprises (il y a d’autres couches, comme la méchanceté gratuite et c’est assez rigolo).

 


Toujours est-il que, hier, après avoir signé chez le notaire, on s’est retrouvé dans ce qui avait été pendant plus de 60 ans (64, je crois), la résidence familiale mais qui était devenu, officiellement à 15h30, ma résidence secondaire. Quand mon frère et ma sœur sont partis, avant l’aller au bistro pour arroser ça avec mes copains, j’ai publié dans Facebook : « Tous papiers signés. Me voila propriétaire de la maison. Ca devrait s'arroser mais je suis encore tout chose. Une belle page qui se tourne. »

La seule chose importante est que j’ai presque atteint mon record de « likes » (ce matin, j’approche les 70). Cela étant, quelques réactions s’imposent. Il y a eu 39 « likes simples » (le fameux « pousse levé », comme quand on fait du stop), 21 émojis « solidarité » (l’espèce de soleil à visage vaguement humain qui tient un cœur dans ses mains devant sa tronche) et 8 cœurs (tout court). Si j’avais vu cette publication, j’aurais mis un émoji solidarité (de toute manière, on ne comprend pas trop ce que le lascar – moi – a voulu dire mais comme il parle de page qui se tourne, il doit cherche du soutien). Mais on n’en sait rien (je peux vous assurer que je ne cherche aucun soutien, c’est une espèce de réflexe, pour moi, de dire des trucs dans les réseaux sociaux). S’interroger est pourtant bien naturel mais comme je ne sais pas, moi-même, pourquoi j’écris des trucs, vous pouvez philosopher.

Ah ! Si ! Je sais. Tout tient dans les deux premières phrases. J’informe mes proches (les amis de la vraie vie) que les démarches sont terminées. Les deux dernières sont là pour broder. Ca me fait passer pour quelqu’un de sympathique alors que je suis quelqu’un de sympathique. Les gens qui ne me connaissent pas n’ont, j’espère, rien à cirer du fait que je sois maintenant propriétaire d’une maison. Regardez bien ce que vous écrivez.

Il y a ceux qui font des publications pour l’anniversaire de leur chien. Ceux qui ne pensent à rien d’autres qu’à pondre des citations d’incultes (un exemple relevé à l’instant : « Tout est possible à qui rêve, ose, travaille et n’abandonne jamais. » ; j’ai corrigé les fautes de ponctuation)…

 


La lecture des commentaires est instructive. Une vieille copine de blog (au moins 15 ans que je la connais) me dit « feliz ». Je suppose que c’est un diminutif de « félicitations ». Au fond, dans la publication, pouvait-elle savoir que la « page qui se tourne » faisait référence à la fin de la période de gestion administrative de la mort de ma mère… Me féliciter pour ça…

Un autre, que je ne connais pas, mais qui lit souvent mes publications – béni soit-il – dit : « C'est bien de pouvoir garder une maison de famille...c'est de plus en plus rare...malgré la pelouse et tout ça. » Le fait de garder la maison de famille n’entre absolument pas dans mes préoccupations. Il faut être pragmatique. C’est plus simple ainsi. Je reparlerai de la pelouse.

Une autre (plus rencontrée dans Twitter, que j’ai déjà vu deux ou trois fois) : « Tu y seras chez toi et c’est bien. J’ai compris de tes précédents posts qu’il fallait refaire la déco ». Je m’y sens chez moi depuis 57 ans. La déco n’est à refaire qu’à la marge et comme je suis une grosse fainéasse, je suppose que je vais renoncer à une partie.

Une autre (que je connais aussi) : « Je ne sais si dans ces circonstances on dit Mabrouk ». On n’adresse pas une bénédiction à un athée qui vient de perdre sa mère. La réponse est donc négative.

Un copain (jamais vu mais on a bien sympathisé dans les réseaux) : « Mes félicitations Nicolas c’est un beau symbole et une belle preuve d’amour. » J’ai déjà dit ce que je pensais des félicitations. Quant à la preuve d’amour, elle est simple : maintenant que ma mère « n’est plus là », je vais pouvoir entretenir ce bordel comme je le veux et sans faire attention à une mauvaise herbe qui dépasse.

Une « dame » (avec qui change parfois dans les trucs) : « Et quel bonheur que de passer sa future retraite à Loudeac ! » Honnêtement, c’est plutôt l’horreur (d’ailleurs, je n’ai pas assez dit ma haine des gens qui ne pensent qu’à leur retraite au sujet de la réforme du même nom ; ce que je veux, c’est arrêté les contraintes liés à la nécessité de me lever tous les matins pour gagner du pognon, pas de vivre heureux en attendant la mort).

Une amie proche (sans doute celle que je connais le mieux) : « Ça s'arrose alors ». C’est à peu près la seule à avoir trouver les mots justes (et je ne déconne pas : ce n’est pas qu’une référence à la picole, mais une lecture attentive de ma publication. Je traduis : laisse tomber la page qui se tourne, va voir tes potes au bistro).

Une autre dame (que je connais un peu via ce bordel) me dit : « Super ! ». Oui, ma mère est morte et je peux l’oublier ?

Une inconnue : « Félicitations je vous souhaite de tout cœur d'y passer de bonnes heures, que la maison de votre maman reste dans votre famille c'est bien. » J’ai déjà parlé des félicitations et mais le souhait qui suit est très sympathique. Pour le reste, ma mère voulait vendre la maison pour payer sa maison de retraite et n’ayant moi-même pas d’enfant, le fait que la baraque reste dans la famille n’a aucune importance et ne durera pas. Ce n’est pas un manoir bicentenaire, tout de même.

Dagrouik (celui que je vois le plus souvent et depuis le plus longtemps dans ma bande de potes des blogs) : « te voilà responsable a 100% de la pelouse ! » C’est parfait.

 


Tiens ! Je vais en profiter de parler de ma pelouse. Figurez-vous que j’ai absolument horreur de tous les travaux manuels dont l’entretien du jardin. Mais comme c’est une nécessité, il faut bien que je m’y colle. Au début, je le faisais pour éviter la honte à ma mère qui, elle, adorait ça et se faisait un principe d’avoir un jardin parfait. A la longue, je finis par entretenir le jardin par égard pour les voisins qui doivent supporter sa vue mais vivre dans une espèce de brousse ne me dérange pas. Sauf d’avoir des ronces qui poussent où je passe à vélo : ça pourrait crever les roues. Et j’aime bien les trucs colorés, donc les fleurs (heureusement que je n’aime pas les artificielles).

Parler des travaux que je fais dans Facebook est une façon de me « passer les nerfs » ou de m’accorder un satisfecit. C’est idiot mais je n’ai jamais prétendu le contraire.

Revenons à nos commentaires.

 


Une autre (que je connais de Facebook mais je crois que je la croisais aussi dans un autre réseau que j’ai oublié, peut-être même un jeu, je dirais bien « Jelly Splash ») « Félicitations, à vous les joues du jardinage ». Je me suis foutu de sa gueule pour la faute. Mais pour le jardinage, heu…

Je vais en passer quelques-uns dont mon cousin qui exige une crémaillère (pour rigoler : il connaissait la maison avant moi).

Une copine (au sens RS du terme, je ne l’ai vu qu’une fois, dans un bistro à La Défense) : « Après le décès d’un parent, le passage chez le notaire, la transmission de biens immobiliers, c’est une page qui se tourne. Ma sœur et moi avons eu l’impression que notre vie avait basculé, c’est un nouvel équilibre à trouver. C’est un gros changement, tu as désormais la maison dans laquelle tu vas passer ta retraite… » Il y a du juste. L’équilibre est purement psychologique (ça fait un bout de temps que j’ai plus la responsabilité de la maison que les autres ce qui est une façon de parler) et il n’y a pas grand-chose à trouver. Sinon, je conchie la propriété sauf que ça évite de payer un loyer et je me fous un peu de la retraite que je passerai en partie à Paris, ça bouge quand même plus. Par contre, c’est plus qu’un gros changement…

Un copain des RS : « Cela doit être apaisant de savoir que tu peux te retrouver, quand tu le souhaites, dans cet endroit chargé de ton histoire personnelle, je suppose ? » J’ai assez peu de mémoire pour ne pas être sensible à mon histoire personnelle. Qui est plus liée à des comptoirs de bistro, d’ailleurs.

Une bonne copine (connue dans les RS et passée dans la vraie vie) : « C’est compliqué à gérer. Apporter les changements nécessaires avec un sentiment de trahison. » Il n’y a pas de sentiment de trahison pour les changements. Il est ailleurs !

Je vais raconter une anecdote, de celles sans intérêt que j’aime bien lancer dans Facebook.

 


Hier, comme nous avions rendez-vous chez le notaire, ma sœur et ma nièce sont venues manger à la maison et c’est elles qui devaient préparer le repas (j’ai mis un « s » à « elles » pour faire joli). Comme j’avais bossé comme un fou, le matin, je n’avais pas eu le temps de faire ma vaisselle de la veille (et de l’avant-veille, j’avoue), je l’ai faite en papotant pendant la préparation. Elles voulaient ajouter du riz et j’ai dit que j’avais un sachet neuf. J’ai alors constaté que je n’avais plus de pates sauf celles dans les bocaux où les rangeait ma mère. Je ne les utilisais jamais vu que je suis incapable de juger de la cuisson : il me faut donc le paquet avec la durée de cuisson.

Je crois que c’est ma sœur, en se foutant de ma gueule, qui m’a fait penser qu’elles étaient probablement périmées. Alors, je les ai foutues à la poubelle et ai lavé les bocaux (comme si j’allais faire de la confiture…).

Voila la trahison : abandonner le principe de classement des nouilles et les espèces de trucs tout plats qu’elle me faisait.

Il faut toujours broder, dans les anecdotes. Voire raconter des contres anecdotes. Avant de partir, ma nièce a voulu boire un jus de fruit. Je n’en avais pas à part des jus de tomate et je leur ai suggéré des les emporter avec elles vu que je n’aime pas ça. Ma sœur m’a dit qu’ils étaient sans doute périmés (comme les pates) alors que je les pensais récent. Elle avait raison. J’ai donc vidé les bouteilles en verre (et les ai lavées, c’est un réflexe idiot et peu écologique). Elles sont parties et je suis allé les saluer. C’est en voulant faire mon café, ce matin, que j’ai constaté que l’évier était couvert de jus de tomate…

 

D’un autre côté, ça tombe bien, j’ai fini avec les commentaires de ma publication Facebook. Il ne me reste plus qu'à trouver un titre idiot pour ce billet. Qui ne fasse pas hommage à Kandera : vous m'avez gonflé, je pensais qu'il était déjà mort et vous ne parlez dans Facebook que d'un seul des livres qu'il a pondu que vous ne connaissez que parce qu'un film en a été tiré.

Milan sans remous ? Ou ce con de Milan ? L'insupportable légèreté de ma tondeuse à gazon ?

 

13 commentaires:

  1. En tant qu'incorrigible sympathisant communiste, vous auriez pu tenter, en titre : Milan globalement positif.

    DG

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    1. Faites pas attention au Kandera-Thon !

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    2. Kundera, et non Kandera, bordel !

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    3. Oups.

      Mais comme mon commentaire n’est pas signé on ne sait pas qui a fait la faute.

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    4. Et on ne sait pas non plus qui vous l'a fait lourdement remarquer…

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    5. A celui dont on ne saura jamais qui il est…

      D'ailleurs, sait-on jamais à qui l'on parle ?

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    6. Est-ce vraiment important ?
      NJ

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  2. J'ai fais pareil pour le riz et les nouilles.
    J'ai trouvé aussi des Heineken de 2006 que j'ai vidé dans les fleurs.Meme si en theorie ça se périme pas.
    C'est un moment spécial en tout cas.
    Comme un jalon pour ma part.

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    1. La bière s’évente, tout de même.
      Nicolas

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  3. C'est bien gentil tout ça, mais c'est quand qu'on est invité à faire la fiesta en Bretagne?

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    1. Tu viens quand tu veux. Je fournis le taille haie et la tondeuse.

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    2. ah non ! je serai bien incapable de faire mal au moindre brin d'herbe. laissez-les vivre !

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