Vendredi, le
Conseil d’Etat a suspendu en référé la dissolution des Soulèvements de la Terre.
Je vais donner brièvement mon avis toutes affaires cessantes mais cela n’est
pas l’objet de mon billet.
D’une part, je n’en ai pas grand-chose à cirer. Je ne sais
même plus si j’ai donné mon avis sur la dissolution. En fait, je n’aime pas ce
genre de collectifs. Le fait que je sois en désaccord avec leurs idées ne joue
pas sur cet avis. En outre, je n’aime pas trop ce genre de décision du
Gouvernement qui n’a pas à fermer des espèces d’associations tant qu’elles n’appellent
pas à directement à faire un crime grave.
Ah ! Je me rappelle ce que j’avais dit sur les réseaux
sociaux. En gros, que ça revenait à pisser dans un violon, rien n’empêchant la
création d’un autre bordel qui, en plus, ferait bien attention à respecter la
loi…
D’autre part, c’est bien la preuve que nous sommes dans une
démocratie, dans un
Etat de droit. Mes camarades de gauche et autres commentateurs avisés des
réseaux sociaux ne l’ont pas compris, visiblement. Par exemple, Mathilde Panot,
au sein de son tweet
au sujet de la décision, a dit « La Macronie
est un autoritarisme. » Nous avons la preuve que c’est faux.
Jean-Luc Mélenchon, quant à lui,
a pondu : « Donc la macronie et
"l'arc républicain" ont voulu violer la loi en interdisant une ligue
d'associations citoyennes. » Disons, pour être poli, que c’est de
la connerie. Un type qui roule à 110 au lieu de 90 n’a pas la volonté de violer
la loi. S’il se fait prendre par la police, tant pis… Nous sommes en Etat de
droit et ces ânes de gauche qui n’arrêtent pas de crier que Macron est un
dictateur l’ont dans l’os.
A la limite, tout cela ne serait qu’une manipulation ou une
démarche de communication du gouvernement ne m’étonnerait qu’à moitié… Toujours
est-il que l’opposition gagnerait à un peu de mesure.
Méluche, dans le même tweet, a déclaré aussi : « La légitimité de la désobéissance civique fait son
chemin. » Il devrait être plus prudent. Le communiqué a dit que les
actions de désobéissance machin sont du pipi de chat. A lire entre les lignes,
on pourrait se dire que le Conseil d’Etat nous incite à nous foutre de la
gueule de ces ânes.
Et nous sommes bien dans les blogs pour rigoler. Twitter s’est
retrouvé, comme toujours, rempli de spécialiste du droit se basant sur des tweets
d’expert en machins juridiques. D’un côté ceux de droite. De l’autre ceux de
gauche. Ils s’appuyaient sur leurs expertises pour affirmer tout et son
contraire. Certains prétendant que le jugement n’avait pas porté sur le fond, d’autres
que cela ne veut rien dire. Nous foutre de leurs gueules est, cette fois,
presque un devoir.
Comme je n’y connais rien, je suis parfaitement placé pour
interpréter cette décision, résumée, ainsi, dans le titre du communiqué de
presse du Conseil : « Le Conseil d’État
suspend en référé la dissolution des Soulèvements de la Terre ».
Il y a « en
référé ». C’est clair : ça signifie que la décision est prise en
urgence, elle est exécutoire mais ne constitue pas un jugement définitif. Il y
a aussi « suspend ».
La dissolution n’est pas annulée mais elle attendra… Les mots ont un sens et il
faut arrêter que des juristes en herbe fassent semblant de traduire des textes
de hautes juridictions pour jouer aux malins. Le Conseil d’Etat connaît le
français…
Si tout est dans le titre, rien n’empêche de lire la suite,
tout aussi limpide.
Je vais quand même résumer. Remerciez-moi. Tout d’abord les
juges des référés ont jugé la demande de suspension parfaitement valable :
il y a une situation d’urgence pour l’association et les éléments apportés par
le ministère ne comportent pas la preuve que la dissolution est justifiée, en
regard de la loi.
Pour cela, il dit que que rien ne prouve que « le collectif cautionne d’une quelconque façon des
agissements violents envers des personnes » puis que les actions
néfastes « ont été en nombre limité ».
Bref, ils ont dit que le Gouvernement leur cassait les couilles et que, pendant
les vacances, ce n’était pas heureux. En conclusion, ils ont dit la décision
définitive (le fameux jugement de fond) aura lieu dans les prochains mois. Le
sous-entendu est tout de même clair : le gouvernement aurait bien intérêt
à revoir sa copie.
Il faut parfois relire la loi, en l’occurrence l’article
L. 212-1 du code de la sécurité intérieure qui précise les sept points sur
lesquels le conseil des ministres peut s’appuyer pour dissoudre des
associations. Je ne suis pas juriste mais nul n’est censé ignorer la loi, ce
qui ne veut pas dire grand-chose. Cette fois notre 212-1 est parfaitement
clair.
Des sept points, j’en retiens trois. Tout d’abord le numéro
6 qui n’a rien à voir avec notre histoire mais qui pourrait bien permettre une
autre dissolution « dans les tuyaux ». Il me reste le premier et le quatrième.
Ce qui fait donc six points que le Gouvernement ne pourra pas utiliser.
Nos amis juristes en herbe feraient mieux de nous expliquer celui
qui reste, le quatrième, plutôt que de faire des polémiques à deux balles. Il
dit que le conseil des ministres peut fermer les machins : « dont l'activité tend à faire échec aux mesures concernant
le rétablissement de la légalité républicaine ».
Jean-Luc Mélenchon ne devrait pas trop fanfaronner pour dire
que la désobéissance civile est légitimée par le texte. En tant que responsable
politique de premier plan, il confirme que les Soulèvements pourraient très
bien se prendre ce quatrième point dans les gencives. Je dis ça pour rendre service.
Ce qui nous intéresse est le premier point. Les zozos du
gouvernement peuvent fermer les bastringues qui « provoquent
à des manifestations armées ou à des agissements violents à l'encontre des
personnes ou des biens ».
Le fond est loin d’être tranché. Le Conseil d’Etat dit que « Par ailleurs, les actions promues par les Soulèvements de
la Terre ayant conduit à des atteintes à des biens, qui se sont inscrites dans
les prises de position de ce collectif en faveur d’initiatives de désobéissance
civile, dont il revendique le caractère symbolique, ont été en nombre limité. »
Je résume : si quelqu’un qui se réclame du collectif a appelé à casser des
machins (ou à lutter contre les forces de l’ordre), ça fera « couic »,
surtout si le gouvernement trouve plusieurs cas.
Vous allez me dire que je n’ai pas l’air malin à
critiquer les spécialistes qui donnent des interprétations contradictoires
alors que je viens de pondre ma propre interprétation. Mais je ne suis pas
spécialiste. Je suis blogueur politique de comptoir avec accès à Google. Et c’est
à ce titre que tout cela m’énerve, toute cette communication stérile pratiquée
dans des entre-soi ridicules.
Les défenseurs du gouvernement dans ce dossier sont pitoyables.
Les zozos de Beauvau (à ne pas confondre avec le zoo de Beauval) ont largement
foiré cette histoire. Ils n’ont fait preuve d’aucun professionnalisme. Il n’y a
pas trente-six solutions : soit le collectif doit être fermé au regarde de
la loi, soit pas. Point. Ils ont inventé le « heu… ».
Avoir ce genre de pantalonnade de la part de ceux qui nous
gouvernent est très gênant. Et avoir pour seul argument « ben heu le fond n’a
pas encore été jugé » est à chier.
Quand aux défenseurs du collectif qui souhaitent démontrer
que le Conseil d’Etat confirme qu’il est légal de ne pas respecter la loi (ben
oui, la désobéissance civile de Méluche…) méritent le mépris surtout qu’ils
disent en parallèle que l’on vit dans une dictature.
Il est pourtant assez simple de dire que les Soulèvements de
la terre et leurs partisans ont marqué un point dans la bataille juridique mais
qu’ils feraient mieux d’être prudents pour la suite. Tout en rappelant ce qu’est
un Etat de droit, « un concept juridique,
philosophique et politique qui suppose la prééminence, dans un État, du droit
sur le pouvoir politique, ainsi que le respect de chacun, gouvernants et
gouvernés, de la loi. Ceci constitue une approche où chacun, l'individu comme
la puissance publique, est soumis à un même droit fondé sur le principe du
respect de ses normes. »
Ce qui s’arrose.
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