En 2017, ma mère a eu une opération du cœur. A son âge 85,
ce n’était pas « raisonnable ». Pour l’aider, j’ai commencé à revenir
en Bretagne bien plus souvent. En 2018, elle a cassé sa voiture puis fait une
grave infection, près du cœur. Elle est entrée en maison de retraite et j’ai dû
acheter un vélo électrique pour aller la voir (et aussi aller au bistro, hein !).
En 2019, j’ai fait deux petites entorses, rapidement
soignées (mais il faut tout de même porter des atèles pendant six semaines à
chaque fois). Je me suis retrouvé environ quatre mois avec des difficultés à
marcher. La conséquence est que, pendant près d’un an après, je n’osais plus sortir
sans ma canne, ce qui donne au moins l’avantage de recueillir la pitié des gens
qui vous laisse des places dans le métro ! Jusqu’au moment où un jeune m’a
dit : « Monsieur, je vous en prie, asseyez-vous. » « Merci
mais ne vous inquiétez pas je ne vais pas loin. » « Mais si, à votre
âge, il faut vous ménager. » j’avais 53 ans et on me traitait de vieux.
En 2020, à peu près rétabli, j’ai eu à subir, comme tout le
monde, la crise sanitaire et le confinement qui va avec. A force de rester chez
moi, tétanisé, j’ai pris une trentaine de kilos, grimpant de 120 à 150 kg (j’en ai
perdu une dizaine depuis). Un truc sans fin : après ne plus avoir eu le
droit de marcher, j’ai eu beaucoup de difficultés à le faire, m’essoufflant
très rapidement et ayant peur sans ma canne.
En 2021, j’ai dû être hospitalisé pendant un mois à cause de
ces problèmes respiratoires. J’avais une sorte de pleurésie, en fait. En
faisant des examens, les toubibs ont découvert que j’avais l’aorte bouchée. Me
voila réhospitalisé pour une lourde opération (avec ouverture du thorax puis arrêt
forcé du cœur avec une dérivation pour pouvoir accéder aux tuyaux).
Après cela, ils ont poursuivi les examens pour savoir ce que
j’avais aux poumons. Ils ont découvert un peu truc cancéreux.
En 2022, j’ai ainsi été opéré avec l’ablation d’un lobe de
poumons. Pour la préparer l’intervention, j’ai fait des dizaines de séances dans
des hôpitaux, notamment pour des exercices respiratoires visant à renforcer ma
capacité. Après l’opération, j’avais perdu, tout de même, une partie de cette dernière,
m’obligeant à faire une pause après une centaine de mètres à pied. Mes
difficultés à marcher étaient « empirées » par une baisse logique de
la capacité musculaire.
Revenons en 2020 après avoir sauté une ligne. Mon entreprise
a déménagé. Encore plus loin de chez moi (alors que, à l’origine, elle était à
10 minutes en voiture) et, surtout, l’obligation de prendre le RER, le métro ne
suffisant plus. Heureusement, avec le confinement, on n’avait pas y aller,
puis, en 2021, avec mes maladies et la nécessité d’aller souvent en Bretagne,
ma boîté a été assez conciliante. Je n’allais plus au bureau que quatre jours
toutes les trois semaines quand, fin 2021, il a fallu reprendre une vie « plus
normale ». En 2022, j’avais tellement de séances à l’hôpital que je ne
pouvais même plus aller très souvent au bureau, d’ailleurs. De fait, j’ai pris
l’habitude d’aller en taxi.
Sauf que, après l’opération des poumons, j’ai dû y retourner
plus souvent et le taxi était très cher.
En 2023, j’ai ainsi recommencé à galérer dans les transports
en commun, avec toujours des difficultés à marcher lors des changements de
ligne.
Mais il y a eu plus grave vu que j’ai perdu ma mère en mars.
On peut difficilement décrire la douleur. Peut-être étais-je
plus proche d’elle que beaucoup de gens, d’autant que « son »
confinement nous avait rapproché « par la pensée ». Je l’appelais
tous les jours et tout ça. Près de dix mois après sa mort, je continue à avoir
des pensées un peu bizarres. Par exemple, après une heure de bistro, le soir,
je me dis qu’il faut que je l’appelle avant d’être saoul… On dit que je raconte
des choses très personnelles dans les réseaux sociaux mais je n’ai jamais parlé
de cela vu que je ne vois pas l’intérêt de raconter des sentiments qui
devraient arriver à à peu près tout le monde, malheureusement.
Après les obsèques, il a fallu gérer la succession. J’ai « gagné »
la maison de Loudéac mais je n’étais pas spécialement prêt à entretenir deux
habitations et à payer des droits de succession surtout que je ne suis pas très
doué pour les affaires administratives.
Cela étant, je suis tout de même souvent un roc et j’ai
supporté toutes ces péripéties, sans compter deux changements de patron à la
Comète et un au café de la Gare ce qui est tout de même bien plus grave.
En cette veille de réveillon, à moitié oisif en attendant l’heure
de l’apéro, je réfléchissais à un billet de blog en me demandant si 2024 allait
pouvoir être pire, suite à un événement récent.
Avec ces imbéciles de réseaux sociaux, je suis tombé sur le « thread »
d’une militante féministe (une activiste femen) qui disait : « Une pétition est en train de s’écrire pour défendre
Depardieu. Hâte de découvrir les arguments. Sur quoi pourrait-on baser sa
défense ? » Histoire de rigoler, j’ai répondu : « Sur la présomption d’innocence, peut-être… Ou le fait
cette histoire casse les couilles des électeurs et les ovaires des électrices.
Ou le fait qu’on a du bruit en 2023 au sujet d’un mec qui a cinquante ans de
carrière. » Non moins d’humeur guillerette que moi, elle a rétorqué :
« et l’argument éculé de la présomption
d’innocence on le connaît. Soyez inventives-ifs ».
J’ai laissé tomber. J’avais trop envie de dire : « espèce de connasse, nous avons une grave crise avec la
montée de l’antisémitisme, le rejet de l’immigration, des guerre dans tous les
coins du mone, le tout sur fond de personnel politique délirant et d’un parlementarisme
qui ne fonctionne plus avec à peu près comme seule perspective l’arrivée de l’extrême
droite au pouvoir et, toi, tu répands ta haine dans les réseaux sociaux non sans
exhiber des nibards de femen à l’occasion et tu remets en cause les fondements
de notre justice, de notre République, de notre Etat de droit. Tu peux aller
chier. Tu mérites le mépris ».
« Et hop » aurais-je pu ajouter.
Malheureusement, je crois bien que 2024 peut être pire que
les années précédentes… Et les pétasses sans vie continueront à nous les briser.