Ma mère est morte depuis plus d’un an et le ménage dans la
maison continue. Ce week-end, avec ma nièce, nous nous sommes lancés à l’assaut
de la bibliothèque ce qui est délicat : de quel droit pouvons-nous « jeter
des livres » ? Il y a d’un autre côté de potentielles œuvres littéraires
et de l’autre des ouvrages reçus en cadeau. Comment jeter ? Peu importe :
j’ai de la place à récupérer si je veux aménager un peu la maison à mon goût et
virer les fantômes du passé !
A propos de fantôme, nous avons trouvé un exemplaire de Mein
Kampf. Il y a peu d’informations au sujet « de l’édition » mais une
note manuscrite montre que le premier propriétaire l’a reçu en janvier 1940 (son
nom est illisible mais il pourrait bien s’agir du nom de naissance de ma mère,
donc celui de son père). Vous trouverez sur Internet des renseignements sur la
version française (ici,
par exemple). L’édition commence par cette phrase du Maréchal Lyautey : « Tout
Français doit lire ce livre » puis par un préambule (je ne sais pas qui l’a
rédigé) sur le thème : « Les Français doivent savoir qui est ce petit
bonhomme qui a pris le pouvoir chez nos voisins et ce qu’il veut faire ».
J’ai reçu l’absolution pour avoir tenu ce livre maudit car,
en parallèle de nos travaux, je préparais un risotto multiculturel (avec du chorizo
revenu dans du beurre salé, pour vous dire), égalitariste (j’utilisais deux
types de riz) et antiraciste (les crevettes venaient des côtes du Tchad).
Etique, donc. Et anticolonialiste vu que j’ai ajouté une touche de piment de Cayenne.
Pour rigoler, j’en ai parlé dans Facebook brièvement en
disant : « c’est bien la peine d’être issu d’une famille communiste ».
Nous avons discuté avec les copains dans les commentaires puis quelques remarques
un peu bizarres sont venues…
Il y a eu par exemple des propos d’une inconnue que disait
que son frère avait été interdit de Facebook après avoir publié une photo
similaire à la mienne. J’en ai rigolé. Elle m’a montré une coupure de presse « prouvant »
ses propos. Elle a surtout prouvé qu’elle passait une partie de ces journées à
la recherche des types qui parlaient de « Mein Kampf » dans les
réseaux sociaux, ce que j’ai fini (au bout de 24 heures, tout de même) par lui
répondre. Elle a supprimé ses commentaires. Tant pis.
Facebook n’interdit évidemment pas la publication de certains
livres ce qui fait qu’on peut s’interroger sur le texte d’accompagnement de son
frère… N’aurait-il pas été un tantinet proche de l’incitation à la haine ?
C’est d’ailleurs amusant de faire une recherche Google avec « Facebook Mein
Kampf » pour voir le nombre d’abrutis qui hurlent à la censure.
Mais soyons sérieux. Le bouquin est tombé dans le domaine
publique vers 2010 et est autorisé à la vente en France depuis 2016. Google
peut être utile à utiliser avant de raconter des âneries.
D’ailleurs, j’ai reçu ce commentaire : « Ils l'ont interdit ce livre, car c'était leur bible
anti-communiste et difficile d'assumer après la guerre de suivre la même ligne
que Hitler. » C’est quand même stupéfiant de voir des gens limiter
ce livre, a priori un appel à un génocide (je n’ai pas encore lu), à un pamphlet
contre le communisme utilisé par… le monde de la finance ? Pourquoi pas à
la solde des juifs, non plus ?
Je parlais de fantôme… Je pense que les vieux communistes devraient
tout de même faire le ménage dans leurs boyaux cérébroïdes et admettre que les
expériences de communismes dans le monde, fatalement privateur de liberté
(notamment en supprimant la propriété privés, l’enrichissement) finissaient par
déboucher sur des dictatures que l’on pourrait qualifier de sanguinaires.
C’est tout de même délirant d’être incité à écrire cela
suite à la diffusion d’une photo de la couverture d’un livre trouvé dans la
bibliothèque familiale même si faire le constat ci-dessus ne m’a jamais empêché
de voter communiste, notamment à la dernière présidentielle.
Les gars, respirez…
En fait, ce qui me surprenait le plus, dans cette découverte
« combative », c’est le fait qu’elle figure dans « l’héritage »
d’une des branches de la famille. A ma connaissance, aucun de mes aïeux encore
en vie à l’époque de la guerre ont fricoté avec les teutons. Cela étant, si ça
avait été le cas, « ils » ne s’en seraient probablement pas vanté
après.
L’occasion, pour moi, de faire un nouvel aparté. Vous
trouverez assez facilement dans Wikipedia la liste des
fondateurs du Front National. Elle commence par Victor Barthélemy, ancien
communiste, puis Rolande Birgy, décoré pour avoir permis de sauver des enfants
juifs, Emmanuel Allot, ancien socialiste, André Dufraisse, ancien de la CGT,
Roland Gaucher, ancien Trotskyste…
J’arrête là mais faites attention à vos fantômes quand vous
voulez lutter contre le RN avec vos pseudos arguments historiques…
Je m’étonnais donc de la présence de ce machin dans ma bibliothèque
mais c’était seulement l’histoire de la famille qui m’intéressait mais une
personne (que je connais un peu des réseaux) m’a dit de ne pas culpabiliser car
je n’étais pas responsable !
Encore heureux que je ne sois pas responsable des actes de
mes ancêtres (et je ne la félicite pas, d’ailleurs, de penser que je croyais que
mes ascendants auraient pu commettre des saloperies).
C’est aussi un problème de la gauche nouvelle qui nous a
pondu le « décolonialisme ». Nous ne sommes pas responsables. J’en voyais
un, l’autre jour, qui expliquait que seuls les Canaques pouvaient décider de l’avenir
de la Nouvelle Calédonie, chiant ainsi sur le droit du sol qui me parait,
pourtant, un truc qui devrait être une règle de base, à gauche ! Le plus
drôle est sans doute que c’est le genre de type qui va aller manifester pour le
droit de vote des immigrés en métropoles.
Je pense que la sortie (de mes étagères) de Mein Kampf devrait
être l’occasion de discuter de notre histoire et de l’antisémitisme. J’ai
encore vu deux vidéos de Mélenchon à propos du conflit Israélo-Palestinien,
dans TikTok. C’est fou le nombre de conneries qu’il peut sortir sans même
relativiser…
A ce sujet, le confrère Cincinnatus a pondu un bon billet sur le thème « imaginez
que la France soit Israël, accusé d’attaquer un fief de Daech qui a fait des
attentats sur son sol ».
Ils sont là, aussi, les fantômes. LFI surfe depuis quelques
mois sur l’antisémitisme (voir aussi le
billet de l’ami Seb, très bien, mais qui évoque aussi les changements de
discours de Mélenchon).
Les militants de la gauche radicale sont amusants. Ils s’imaginent
que défiler dans la rue et assister à des meetings va entraîner l’arrêt des
conflits (comme si Netanyahou allait se dire « mon dieu ! Il y a une
manifestation à Châteauroux, je vais arrêter les bombardements) mais surtout,
ils vont finir, peut-être sans le vouloir, par tenir des propos antisémites.
Et ils diront, un jour : « on ne savait pas ».
Un jour ? Celui où un nationalisme religieux d’un autre âge aura pris le
dessus chez nous.
A la fin des années 30, il y avait, en France, des gens qui
diffusaient Mein Kampf, non pas pour relayer la propagande, mais pour que
personne ne puisse dire « on savait pas ».
A l'attention de l'hébergeur de ce blog et des médias qui reprendraient ce billet : la photo d'illustration représente le câble RJ45 qui permettent de connecter mon PC à Internet sans être traversé par d'affreuses ondes Wifi.
Vous êtes sûr qu'il n'y a de date d'édition nulle part ? Soit au tout début, soit à la dernière page ? De toute façon, ce ne peut être que dans les années trente : à partir de 1940, les Français étaient bien placés, en ayant constamment sous les yeux, pour savoir que la croix nazie “tournait” vers la droite, et non vers la gauche comme sur la couverture du bouquin.
RépondreSupprimer(Accessoirement, les expériences communistes ne "finissaient pas par déboucher“ sur des dictatures : elles l'étaient dès l'origine. En Russie, les premiers "goulags" ont été ouverts dès 1918, soit sous la férule de Lénine et de Trotsky…)
Tout cela ne doit pas vous empêcher de me mettre précieusement ce Mein Kampf de côté pour la prochaine fois où on se verra : c'est que j'ai une réputation de nazi à soigner, moi !
Oui, je suis sûr qu'il n'y a pas de date.
SupprimerPour les communistes, oui. Mais j'essaie de parler à des communistes qui s'imaginent pouvoir créer le monde idéal.
Oui, je vais vous le refiler. Comme ça, vous saurez pourquoi vous êtes nazi.
Selon Google Image, ça pourrait dater de 1939.
SupprimerMême fin 39 s'il s'agit bien de la première édition intégrale en français.
SupprimerCe genre de livres étaient fréquemment offert par les employeurs à leurs salariés à l'occasion des fêtes de fin d'année. J'ai eu entre les mains un exemplaire de celui-ci offert aux salariés d'un célèbre grand magasin parisien.
RépondreSupprimerUne édition de 39 ?
SupprimerÇa je ne sais plus.
SupprimerC'était celui-ci :
https://fr.todocoleccion.net/livres-occasion-seconde-guerre-mondiale/mein-kampf-1942-mi-lucha-adolf-hitler-tercer-reich-fuhrer-nazi~x71564947?gad_source=1&gclid=Cj0KCQjw0_WyBhDMARIsAL1Vz8siE1z5x0R7ZQGeOLVmyzZFl9CeDc5vHAWA6ZT-VCnEsbCaiZdujyUaAlp1EALw_wcB
En vidant la bibliothèque de ma grand mère a son décès j'ai trouvé deux exemplaires de ce mein kampf, pas la même édition. La couverture était plus neutre, je veux dire sans svastika, juste le titre bleu marine sur papier vélin beige.
RépondreSupprimerBon comme c'était avant que l'œuvre ne soit de nouveau autorisée, j'ai stocké ça au fond de mon bordel et demandé à ma mère encore présente à l'époque l'origine du propriétaire, ma grand-mère ? Ou l'arrière grand-père poilu de 14 ?
La réponse est tombée de suite. ma grand mère ouvreuse, rentrait après le couvre feu de paris. N'ayant pas toujours le temps de renouveler l'ausweiss de circulation nocturne hebdomadaire, elle avait toujours un exemplaire dans son sac, pour influencer un éventuel contrôle.
j'ai lu quelques pages. mais n'ayant pas envie d'être possédé, je l'ai assez vite lâché. j'ai recyclé bac jaune un exemplaire mal en point, apres tout les nazis brûlaient les livres, mais il m'en reste un que j'attaquerai sûrement un soir de Tempête histoire de mettre un peu plus de frayeur dans le perimetre.
Voila un excellent prétexte pour avoir ce bouquin !
Supprimer